N. C. : À quoi expose le refus de faire l’expérience de la solitude ?
D. M. : Le prix à payer est que l’on ne rencontre pas sa propre singularité. La formulation négative de la solitude serait : « Je suis seul à vivre ma vie. » La formulation positive dirait : « Mon expérience de la vie est parfaitement singulière et unique. » Exprimer le caractère unique et singulier de son expérience de la vie, cela s’appelle créer.
Ce désir d’être soi-même, c’est-à-dire créateur, détruit paradoxalement beaucoup de couples, car il implique la traversée de la solitude. La manifestation de ce désir est une étape initiatique pour la relation. Dans certains couples, inconsciemment mais d’un commun accord, chacun réprime son vrai désir pour épargner à l’autre cette épreuve. D’autres couples ne résistent pas à l’émergence du vrai désir, parce que l’un ou l’autre, ou les deux, ne peuvent renoncer à la phase fusionnelle.
N. C. : Quelle est votre relation avec la nature ?
D. M. : C’est une expérience de relation et de désir, de désir de relation. Aujourd’hui, c’est une expérience dont j’ai la nostalgie, car elle est contrecarrée par mes modes de vie. Longtemps, la vie citadine m’a coupé de cette relation sensorielle, d’une richesse extrême : savoir toucher, contempler visuellement, écouter, regarder des paysages, des arbres, des fleurs, et ressentir tout cela. Depuis quelques années, je réapprends à faire de la place à cette relation dans ma conscience. Quels que soient mes soucis et mes préoccupations, mon travail, mes objectifs et mes passions, je veux qu’il y ait de la place pour un arbre en fleur, pour le ciel ou pour le rire d’un enfant. J’ouvre mon champ de conscience.
N. C. : Cela vous demande-t-il un acte de vigilance, ou cela fait-il partie de vous-même désormais ?
D. M. : De la vigilance, mais surtout pas au sens d’un contrôle : c’est juste un désir qui s’accomplit. C’est une jouissance. Ça me demande un acte de présence quand je suis un peu endormi, ou identifié à mes préoccupations du moment, et que la place ne se fait plus dans ma conscience pour accueillir la vie telle qu’elle est. Mais c’est avant tout un rendez-vous de plaisir.
N. C. : Avez-vous été un homme révolté ?
D. M. : J’ai une tendance à être révolté d’une manière générale ; le monde tel qu’il est, la marche du monde, les décisions qui sont prises collectivement suscitent en moi une colère, non pas réctionnelle, mais l’énergie d’un désir, le désir de faire entendre ma voix, d’agir, de parler.
L’acte d’écrire est mon moyen d’expression pour dire ma colère, je me sens mu par une énergie forte, parfois douloureuse. J’ai du mal à comprendre comment, aujoud’hui, on peut ne pas être en colère...
Nous prenons des décisions individuelles et collectives sur la base d’une anesthésie générale, d’un refus d’être conscient, d’être vivant. Et les conséquences, évidemment, sont catastrophiques. Exemple : l’écologie - et malheureusement, il n’y a pas que ça....
N. C. : Et si un ado vous disait : « C’est vrai, tu as raison... Mais qu’est-ce qu’on peut faire ? »
D. M. : Je lui dirais : « Le monde a besoin de toi, de ce que tu es, le monde a besoin que tu l’exprimes et que tu le manisfestes, même si ça ne correspond pas aux attentes de ton entourage, même si ça ne correspond pas à ce qui est socialement acceptable. » Les plus puissantes énergies destructices (contre l’autre, contre la nature...) proviennent de la négation de la singularité de chaque être. Quand quelqu’un n’a pas pu exprimer l’être qu’il est, il y a une violence qui agit à travers lui... L’esprit de profit et de domination est souvent la conséquence de la répression des énergies créatrices...
Denis Marquet
Colère
La Terre. Exploitée, martyrisée, défigurée. La Terre se révolte. Séismes, raz de marée, ouragans, éruptions volcaniques, virus foudroyants... Devant une série de cataclysmes sans précédents, les scientifiques du monde entier sont sans réponses. Une femme, elle, a compris. Parce qu'elle a su payer le prix. Mais le monde est-il prêt à écouter une femme ? Colère. un thriller à la puissance 10. Un roman initiatique qui résonne comme un dernier avertissement : et si le compte à rebours avait déjà commencé ?
Denis Marquet, normalien et agrégé de philo, remet en question toutes les théories scientifiques, dans un roman cauchemardesque sur l'avenir de l'humanité. À la fois thriller ésotérique, roman apocalyptique et roman d'anticipation, voici un récit écologique de grande qualité. Le dysfonctionnement climatique d’une Terre qui se rebelle contre l’homme, son principal prédateur. Ce thème ne présente rien de très nouveau, mais c’est un roman à suspense mené avec imagination, qui entrecroisent une documentation scientifique impressionnante, une touche de spiritualité, un brin de morale et beaucoup d’amour. Marquet navigue subtilement sur les angoisses et interrogations de notre temps. Son roman apocalyptique sert une véritable mise en garde contre les abus de la nature par l'homme et un vibrant appel à l’humilité.
Pascale Arguedas
La dédicace de l’auteur :
Colère est né d'un moment de ma vie, qui est devenu un passage du livre. Une plage, sous les tropiques. Je suis à moitié dans l'eau, je laisse le rythme des vagues guider mes pas. La mer est belle. Soudain, un vacarme de moteurs. Trois jets-skis sont apparus. Trois jeunes hommes, qui se sentent visiblement tout-puissants, sur cette eau qu'ils sillonnent comme s'il s'agissait d'une autoroute. Ils me mettent en colère. Ils n'ont rien compris. La mer est une étendue sacrée, imprévisible, dangereuse. Tous les vrais marins le savent. Il faut la connaître, et la respecter. Ce n'est pas un objet que l'on peut dominer. Je me prends à rêver. Si l'océan révélait soudain sa nature véritable ? S'il rappelait au dérisoire orgueil de ces pauvres en conscience leur incroyable fragilité face à l'élément ? En les engloutissant par exemple... Et le bruit cesserait. La paix reviendrait. Puis cette idée, qui me fait frissonner. Ne sont-ils pas la métaphore exacte de nous tous, frères humains, unis dans la même outrecuidante incompréhension de la Nature, et de notre nature ? Et celle-ci n'a-t-elle pas commencé, déjà, - modifications du climat, maladies émergentes - de nous rappeler que nous ne sommes pas des dieux ? Alors, en exagérant un peu, ne pourrait-on pas imaginer que... Colère est né. Mais est-ce tellement exagéré ?
(Denis Marquet)